Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 1.djvu/249

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Quelque injuste & déraisonnable que cette conduite soit & paroisse, elle n’en est pas moins nécessaire. La société, telle qu’elle est, quelque soient sa corruption & les vices de ses institutions, veut subsister & tend à se conserver ; en conséquence elle est forcée de punir les excès que sa mauvaise constitution la forcent de produire : malgré ses propres préjugés & ses vices elle sent que sa sûreté demande qu’elle détruise les complots de ceux qui lui déclarent la guerre ; si ceux-ci entraînés par des penchans nécessaires la troublent & lui nuisent ; forcée de son côté par le desir de se conserver elle-même, elle les écarte de son chemin & les punit avec plus ou moins de rigueur, suivant les objets auxquels elle attache la plus grande importance, ou qu’elle suppose les plus utiles à son propre bien-être : elle se trompe, sans doute, souvent, & sur ces objets & sur les moyens, mais elle se trompe alors nécessairement, faute d’avoir les lumières qui pourroient l’éclairer sur ses vrais intérêts, ou par le défaut de vigilance, de talens & de vertus dans ceux qui réglent ses mouvemens. D’où l’on voit que les injustices d’une société aveugle & mal constituée sont aussi nécessaires que les crimes de ceux qui la troublent & la déchirent[1]. Un corps politique, quand il est en démence, ne peut pas plus agir conformément à la raison qu’un de ses membres dont le cerveau est troublé.

On nous dit encore que ces maximes, en soumettant tout à la nécessité, doivent confondre ou

  1. Une société qui punit les excès qu’elle fait naître peut être comparée à ceux qui font attaqués de la maladie pédiculaire ; ils sont forcés de tuer les insectes dont ils sont tourmentés, quoique ce soit leur constitution viciée qui les produise à chaque instant.