Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 1.djvu/252

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moindre réflexion nous prouve qu’il n’y a point de méchant qui ne soit honteux de sa conduite, qui soit vraiment content de lui-même, qui n’envie le sort d’un homme de bien, qui ne soit forcé de reconnoître qu’il a payé bien chérement les avantages dont il ne peut jamais jouir sans faire des retours très fâcheux sur lui-même. Il éprouve de la honte, il se méprise, il se hait, sa conscience est toujours alarmée. Pour se convaincre de ce principe il ne faut que considérer à quel point les tyrans ou les scélérats assez puissans pour ne pas redouter les châtimens des hommes, craignent pourtant la vérité, & poussent les précautions & la cruauté contre ceux qui pourroient les exposer aux jugemens du public. Ils ont donc la conscience de leurs iniquités ? Ils sçavent donc qu’ils sont haïssables & méprisables ? Ils ont donc des remords ? Leur sort n’est donc pas heureux ? Les personnes bien élevées acquiérent ces sentimens dans l’éducation ; ils sont fortifiés ou affoiblis par l’opinion publique, par l’usage, par les exemples que l’on a devant les yeux. Dans une société dépravée les remords ou n’existent point, ou bientôt ils disparoissent ; car dans toutes leurs actions c’est toujours les jugemens de leurs semblables que les hommes sont forcés d’envisager. Nous n’avons jamais ni honte ni remords des actions que nous voyons approuvées ou pratiquées par tout le monde. Sous un gouvernement corrompu, des ames vénales, avides & mercénaires ne rougissent point de la bassesse, du vol & de la rapine autorisés par l’exemple ; dans une nation licencieuse personne ne rougit d’un adultere ; dans un pays superstitieux on ne rougit pas d’assassiner pour des opinions. L’on voit donc que nos remords, ainsi que les idées vraies ou fausses que