Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 1.djvu/262

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ne peut être malheureux, mais il peut renfermer des malheureux.

La nature distribue donc de la même main ce que nous appellons l’ordre & ce que nous appellons désordre ; ce que nous appellons plaisir & ce que nous appellons douleur ; en un mot elle répand, par la nécessité de son être, & le bien & le mal dans le monde que nous habitons. Ne la taxons point pour cela de bonté ou de malice ; ne nous imaginons pas que nos cris & nos vœux puissent arrêter sa force toujours agissante d’après des loix immuables. Soumettons-nous à notre sort, & lorsque nous souffrons, ne recourons point aux chimeres que notre imagination a créées ; puisons dans la nature elle-même les remèdes qu’elle nous offre pour les maux qu’elle nous fait. Si elle nous envoie des maladies, cherchons dans son sein les productions salutaires qu’elle fait naître pour nous. Si elle nous donne des erreurs, elle nous fournit dans l’expérience & dans la vérité les contrepoisons propres à détruire leurs funestes effets. Si elle souffre que la race humaine gémisse longtems sous le poids de ses vices & de ses folies ; elle lui montre dans la vertu le remède assûré de ses infirmités. Si les maux que quelques sociétés éprouvent sont nécessaires, quand ils seront devenus trop incommodes, elles seront irrésistiblement forcées d’en chercher les remèdes, que la nature leur fournira toujours. Si cette nature a rendu l’existence insupportable pour quelques êtres infortunés qu’elle semble avoir choisis pour en faire ses victimes, la mort est une porte qu’elle leur laisse toujours ouverte & qui les délivre de leurs maux, lorsqu’ils les jugent impossibles à guérir.