Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 1.djvu/323

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mes à prendre une si violente résolution ; c’est un tempérament aigri par les chagrins, c’est une constitution bilieuse & mélancolique, c’est un vice dans l’organisation, c’est un dérangement dans la machine ; c’est la nécessité, & non des spéculations raisonnées qui font naître dans l’homme le dessein de se détruire. Rien ne l’invite à cette démarche, tant que la raison lui reste ou tant qu’il a encore l’espérance, ce baume souverain de tous les maux ; quant à l’infortuné qui ne peut perdre de vue ses ennuis & ses peines, qui a toujours ses maux présens à l’esprit, il est forcé de prendre conseil d’eux seuls. D’ailleurs quels avantages ou quels secours la société pourroit-elle se promettre d’un malheureux réduit au désespoir, d’un misanthrope accablé par la tristesse, tourmenté de remords, qui n’a plus de motifs pour se rendre utile aux autres, & qui lui même s’abandonne & ne trouve plus d’intérêt à conserver ses jours ? Cette société n’en seroit-elle pas plus heureuse, si l’on pouvoit parvenir à persuader aux méchans d’ ôter de devant nos yeux des objets incommodes & que les loix, à leur défaut sont forcées de détruire ? Ces méchans ne seroient-ils pas plus heureux, s’ils prévenoient la honte & les supplices qui leur sont destinés.

La vie étant communément pour l’homme le plus grand de tous les biens, il est à présumer que celui qui s’en défait est entraîné par une force invincible. C’est l’excès du malheur, le désespoir, le dérangement de la machine causé par la mélancolie qui porte l’homme à se donner la mort. Agité pour lors par des impulsions contraires, il est, comme on l’a dit plus haut, forcé de suivre une route moyenne qui le conduit à son tré-