Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 1.djvu/332

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comme indépendans des avantages qui résultent pour nous ; il est de l’essence de l’homme de s’aimer lui-même, de vouloir se conserver, de chercher à rendre son existence heureuse[1] ; ainsi l’intérêt o le desir du bonheur est l’unique mobile de toutes ses actions ; cet intérêt dépend de son organisation naturelle, de ses besoins, de ses idées acquises, des habitudes qu’il a contractées ; il est, sans doute, dans l’erreur, lorsqu’une organisation viciée ou des opinions fausses lui montrent son bien-être dans des objets inutiles ou nuisibles à lui-même, ainsi qu’aux autres ; il marche d’un pas sûr à la vertu, lorsque des idées vraies lui font placer son bonheur dans une conduite utile à son espèce, approuvée des autres, & qui le rend un objet intéressant pour eux. La morale seroit une science vaine, si elle ne prouvoit aux hommes que leur plus grand intérêt est d’être vertueux. Toute obligation ne peut être fondée que sur la probabilité ou la certitude d’obtenir un bien ou d’éviter un mal.

En effet dans aucun des instans de sa durée un être sensible & intelligent ne peut perdre de vue sa conservation & son bien-être ; il se doit donc le bonheur à lui-même ; mais bien-tôt l’expérience & la raison lui prouvent que, dénué de secours, il ne peut tout seul se procurer toutes les choses nécessaires à sa félicité ; il vit avec des êtres sensibles, intelligens, occupés comme lui de leur propre bonheur, mais capables de l’aider à obtenir les objets qu’il désire pour lui-même ; il s’apperçoit que ces êtres ne lui seront favorables que

  1. Seneque dit : modus ergo diligendi præcipiendus est homini, id est quomodo se diligat aut prosit sibi ; quin autem diligat aut prosit sibi, dubitare dementis est.