Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 1.djvu/339

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bienfaisans, instruits du prix de la vertu, qui savent qu’elle arrache des hommages même à ses ennemis ; il en est qui se contentent au moins des récompenses intérieures & cachées dont nul pouvoir sur la terre n’est capable de les frustrer. En effet l’homme de bien acquiert des droits sur l’estime, la vénération, la confiance & l’amour de ceux-mêmes dont la conduite est opposée à la sienne ; le vice est forcé de céder à la vertu, dont, en rougissant, il reconnoît la supériorité.

Indépendamment de cet ascendant si doux, si grand, si sûr, quand l’univers entier seroit injuste pour l’homme de bien, il lui reste l’avantage de s’aimer, de s’estimer lui-même, de rentrer avec plaisir dans le fond de son cœur, de contempler ses actions des mêmes yeux que les autres devroient avoir s’ils n’étoient aveuglés. Nulle force ne peut lui ravir l’estime méritée de lui-même ; cette estime n’est un sentiment ridicule que lorsqu’elle n’est point fondée ; il ne doit être blâmé que lorsqu’il se montre d’une façon humiliante & fâcheuse pour les autres ; c’est alors que nous le nommons orgueil ; s’appuie-t-il sur des choses futiles ? Nous l’appellons vanité ; on ne peut le condamner, on le trouve légitime & fondé, on l’appelle élévation, grandeur d’ame, noble fierté, lorsqu’il s’appuie sur des vertus & sur des talens vraiment utiles à la société, quand même elle seroit incapable de les apprécier.

Cessons donc d’écouter les déclamations de ces superstitions, qui, ennemies de notre bonheur, ont voulu le détruire jusques dans le fond de nos cœurs ; qui nous ont prescrit la haine & le mépris de nous-mêmes ; qui prétendent arracher à l’homme de bien la récompense, souvent unique,