Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 1.djvu/351

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Alexandre fut un monarque aussi nuisible à la terre & aussi mécontent de son sort, que le despote indolent qu’il parvint à détrôner. Les ames de l’un & de l’autre furent peu proportionées à leurs sphères.

Le bonheur de l’homme ne résultera jamais que de l’accord de ses desirs avec ses circonstances. La puissance souveraine n’est rien pour celui qui la posséde, s’il ne sçait en user pour son propre bonheur ; elle est un mal réel, si elle le rend malheureux ; elle est un abus détestable, si elle produit l’infortune d’une portion du genre humain. Les princes les plus puissans ne sont pour l’ordinaire si étrangers au bonheur, & leurs sujets ne sont si communément dans l’infortune, que parce que les premiers possédent tous les moyens de se rendre heureux, sans jamais en faire usage, ou parce qu’ils ne sçavent qu’en abuser. Un sage sur le trône seroit le plus fortuné des mortels. Un monarque est un homme, à qui tout son pouvoir ne peut procurer d’autres organes & d’autres façons de sentir qu’au dernier de ses sujets ; s’il a des avantages sur lui, c’est par la grandeur, la variété, la multiplicité des objets dont il peut s’occuper, qui donnant une action perpétuelle à son esprit l’empêchent de se flétrir & de tomber dans l’ennui. Si son ame est vertueuse & grande, son ambition se satisfait à chaque instant à la vue du pouvoir de réunir les volontés de ses sujets à la sienne, de les intéresser à sa conservation, de mériter leur affection, & d’arracher les respects & les éloges de toutes les nations. Telles sont les conquêtes que la raison propose à tous ceux que le sort destine à gouverner des empires ; elles sont assez grandes pour satisfaire l’imagination