Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 1.djvu/353

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guer, c’est jetter cette clef dans la rivière ; en faire un mauvais usage, c’est s’en servir pour se blesser. Donnez à l’homme de bien éclairé les plus amples trésors, il n’en sera point accablé ; s’il a l’ame grande & noble il ne fera qu’étendre au loin ses bienfaits ; il méritera l’affection d’un grand nombre d’hommes ; il s’attirera l’amour & les hommages de ceux qui l’entourent ; il sera retenu dans ses plaisirs, afin de pouvoir en jouir ; il sçaura que l’argent ne rétablira point une ame usée par la jouissance, des organes affoiblis par des excès, un corps énervé & devenu désormais incapable de se soutenir qu’à force de privations ; il sçaura que l’abus des voluptés étouffe le plaisir dans sa source, & que tous les trésors du monde ne peuvent renouveller des sens.

On voit donc que rien n’est plus frivole que les déclamations d’une sombre philosophie contre le desir du pouvoir, de la grandeur, des richesses, des plaisirs. Ces objets sont désirables pour nous, dès que notre sort nous permet d’y prétendre, ou lorsque nous sçavons la manière de les faire tourner à notre avantage réel ; la raison ne peut les blâmer ou les mépriser, quand pour les obtenir nous ne blessons personne ; elle les estime quand nous nous en servons pour nous rendre nous-mêmes & les autres heureux. Le plaisir est un bien, il est de notre essence de l’aimer ; il est raisonnable lorsqu’il nous rend chère notre existence, lorsqu’il ne nous nuit point à nous-mêmes, lorsque ses conséquences ne sont point fâcheuses pour les autres. Les richesses sont le symbole de la plûpart des biens de ce monde ; elles deviennent une réalité, lorsqu’elles sont entre les mains d’un homme qui en sçait user. Le pou-