Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 1.djvu/357

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dit terribles, leur idée funeste poursuivit l’homme sans le rendre meilleur, le fit trembler sans fruit, remplit son esprit de chimeres, s’opposa aux progrès de sa raison, l’empêcha de chercher son bonheur. Ses craintes le rendirent esclave de ceux qui le trompèrent sous prétexte de son bien ; il fit le mal quand on lui dit que ses dieux demandoient des crimes ; il vécut dans l’infortune, parce qu’on lui fit entendre que ses dieux le condamnoient à être misérable ; il n’osa jamais résister à ses dieux ni se débarasser de ses fers, parce qu’on lui fit entendre que la stupidité, le renoncement à la raison, l’engourdissement de l’esprit, l’abjection de son ame étoient de sûrs moyens d’obtenir l’éternelle félicité.

Des préjugés non moins dangereux ont aveuglé les hommes sur leurs gouvernemens. Les nations ne connurent point les vrais fondemens de l’autorité ; elles n’osèrent exiger le bonheur de ces rois, chargés de le leur procurer ; elles crurent que les souverains, travestis en dieux, recevoient en naissant le droit de commander au reste des mortels, pouvoient disposer à leur gré de la félicité des peuples & n’étoient point comptables des malheureux qu’ils faisoient. Par une suite nécessaire de ces opinions la politique dégénéra dans l’art fatal de sacrifier la félicité de tous au caprice d’un seul, ou de quelques méchans privilégiés. Malgré les maux qu’elles éprouvèrent, les nations furent en adoration devant les idoles qu’elles s’étoient faites, & respectèrent follement les instrumens de leurs misères ; elles obéirent à leurs volontés injustes ; elles prodiguèrent leur vie, leur sang leurs trésors pour assouvir leur ambition, leur avidité insatiable, leurs fantaisies