Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 1.djvu/362

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battez ces desirs rebelles qui ont la félicité pour objet ; renoncez à ces plaisirs qu’il est de votre essence d’aimer ; ne vous attachez à rien ici bas ; fuyez une société qui ne sert qu’à enflammer votre imagination pour des biens que vous devez vous refuser ; brisez le ressort de votre ame ; réprimez cette activité qui cherche à mettre fin à vos peines ; souffrez, affligez-vous, gémissez : telle est pour vous la route du bonheur. "

Aveugles médecins ! Qui ont pris pour une maladie l’état naturel de l’homme ! Ils n’ont point vu que ses passions & ses desirs lui sont essentiels ! Que lui défendre d’aimer & de désirer, c’est vouloir lui enlever son être ; que l’activité est la vie de la société & que nous dire de nous haïr & de nous mépriser nous-mêmes, c’est nous ôter le mobile le plus propre à nous porter à la vertu. C’est ainsi que par ses remèdes surnaturels la religion, loin de guérir les hommes de leurs maux, n’a fait que les aigrir & les désespérer ; au lieu de calmer leurs passions, elle rendit plus incurables, plus dangereuses & plus envenimées celles que leur nature ne leur avoit données que pour leur conservation & leur bonheur. Ce n’est point en éteignant nos passions que l’on nous rendra heureux ; c’est en les dirigeant vers des objets vraiment utiles à nous-mêmes & aux autres.

Malgré les erreurs dont le genre-humain est aveuglé ; malgré l’extravagance de ses institutions religieuses & politiques ; malgré les plaintes & les murmures que nous faisons continuellement contre le sort, il est des heureux sur la terre. Nous y voyons quelquefois des souverains