Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 1.djvu/370

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

son bien-être solide ou passager, en un mot son bonheur vrai ou faux c’est faute d’avoir considéré que les desirs & les passions sont des mouvemens essentiels, naturels, nécessaires à notre ame, que les docteurs des hommes ont supposé des causes surnaturelles de leurs égaremens, & n’ont appliqué à leurs maux que des topiques inutiles ou dangereux. En leur disant d’étouffer leurs desirs, de combattre leurs penchans, d’anéantir leurs passions, ils n’ont fait que leur donner des préceptes stériles, vagues, impraticables ; ces vaines leçons n’ont influé sur personne ; elles n’ont tout au plus retenu que quelques mortels qu’une imagination paisible ne sollicitoit que foiblement au mal ; les terreurs dont on les accompagnoit ont troublé la tranquillité de quelques personnes modérées par leur nature, sans jamais arrêter les tempéramens indomptables de ceux qui furent énivrés de leurs passions ou emportés par le torrent de l’habitude. Enfin les promesses & les menaces de la superstition n’ont fait que des fanatiques, des enthousiastes, des êtres inutiles ou dangereux, sans jamais faire des hommes véritablement vertueux, c’est à dire utiles à leurs semblables.

Ces empyriques guidés par une aveugle routine n’ont point vu que l’homme tant qu’il vit, est fait pour sentir, pour désirer, pour avoir des passions, & pour les satisfaire en raison de l’énergie que son organisation lui donne ; ils ne se sont point apperçus que l’habitude enracinoit ces passions, que l’éducation les semoit dans les cœurs, que les vices du gouvernement les fortifioient, que l’opinion publique les approuvoit, que l’expérience les rendoit nécessaires, & que dire aux hommes ainsi constitués de détruire leurs passions, c’étoit