Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 1.djvu/372

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lui commander de n’avoir point de passions analogues à son énergie naturelle, ou de renoncer à celle que l’habitude & ses circonstances lui ont fait contracter & ont converties en besoins[1]. Tels sont pourtant les remèdes si vantés que la plûpart des moralistes opposent à la dépravation humaine. Est-il donc surprenant qu’ils ne produisent aucun effet, ou qu’ils ne fassent que réduire l’homme au désespoir par le combat continuel qu’ils excitent entre les passions de son cœur, ses vices, ses habitudes, & les craintes chimériques dont la superstition a voulu l’accabler. Les vices de la société, les objets dont elle se sert pour irriter nos desirs ; les plaisirs, les richesses, les grandeurs que le gouvernement nous montre comme des appas séducteurs ; les biens que l’éducation, l’exemple & l’opinion nous rendent chers, nous attirent d’un côté, tandis que la morale nous sollicite vainement d’un autre ; & que la religion, par ses menaces effrayantes, nous jette dans le trouble & produit en nous un conflict violent, sans jamais remporter la victoire ; quand par hazard elle l’emporte sur tant de forces réunies, elle nous rend malheureux, elle brise tout-à-fait le ressort de notre ame.

Les passions sont les vrais contrepoids des passions ; ne cherchons point à les détruire, mais tâchons de les diriger : balançons celles qui sont nuisibles par celles qui sont utiles à la société. La

  1. On voit que ces conseils, tout extravagans qu’ils sont, ont été suggérés aux hommes par toutes les religions. Les Indiens, les Japonais, les Mahométans, les Chrétiens, les Juifs, d’après leurs superstitions, font consister la perfection à jeûner, se macérer, s’abstenir des plaisirs les plus honnêtes, fuir la société, s’infliger mille tourmens volontaires, travailler sans relâche à contredire la nature. Chez les Payens, les Galles et les prêtres de la déesse de Syrie n’étaient pas plus sensés ; ils se mutilaient par piété.