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Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 2.djvu/133

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Nous lui répondrons 1°. que l’idée d’une ſubſtance immatérielle ou privée d’étendue n’eſt qu’une abſence d’idées, une négation de l’étendue, & que lorſqu’on nous dit qu’un être n’eſt point matiere, on nous dit ce qu’il n’eſt pas & l’on ne nous apprend pas ce qu’il eſt, & qu’en diſant qu’un être ne peut tomber ſous nos ſens, on nous apprend que nous n’avons aucuns moyens de nous aſſûrer s’il exiſte ou non.

2°. L’on avouera ſans peine que les hommes du plus grand génie ne connoiſſent point l’eſſence des pierres, des plantes, des animaux, ni les reſſorts ſecrets qui les conſtituent, qui les font végéter ou agir ; mais que du moins on les voit, que nos ſens les connoiſſent au moins à quelques-égards, que nous pouvons appercevoir quelques-uns de leurs effets, d’aprés leſquels nous les jugeons bien ou mal ; au lieu que nos ſens ne peuvent ſaiſir par aucun côté un être immatériel, ni par conſéquent nous en porter aucune idée ; un tel être eſt pour nous une qualité occulte, ou plutôt un être de raiſon : ſi nous ne connoiſſons point l’esſence ou la combinaiſon intime des êtres les plus matériels, nous découvrons du moins à l’aide de l’expérience quelques-uns de leurs rapports avec nous-mêmes : nous connoiſſons leurs ſurfaces, leur étendue, leur forme, leur couleur, leur moleſſe, leur dureté par les impreſſions qu’ils font ſur nous : nous ſommes à portée de les comparer, de les diſtinguer, de les juger, de les aimer ou de les fuir d’après les différentes façons dont nous en ſommes affectés : nous ne pouvons avoir les mêmes connoiſſances ſur un Dieu immatériel, ni ſur les eſprits dont nous parlent ſans ceſſe des hommes qui n’en peuvent point avoir plus d’idées que les autres mortels.