servir d’exemple à des êtres vivans en société, qui ne sont réputés vertueux que lorsqu’ils ne se départent point de la bienveillance & de la justice qu’ils doivent à leurs semblables. Un dieu supérieur à tout, qui ne doit rien à ses sujets, qui n’a besoin de personne ne peut être le modèle de ses créatures, qui sont remplies de besoins & qui par conséquent se doivent quelque chose.
Platon a dit que la vertu consistoit à ressembler à Dieu. Mais où trouver ce Dieu à qui l’homme doit ressembler ? Est-ce dans la nature ? Hélas celui qu’on suppose en être le moteur répand indifféremment sur la race humaine & de grands maux & de grands biens ; il est souvent injuste pour les ames les plus pures ; il accorde les plus grandes faveurs aux mortels les plus pervers ; & si, comme on l’assûre, il doit se montrer plus équitable un jour, nous serons obligés d’attendre ce tems pour régler notre conduite sur la sienne.
Sera-ce dans les religions révélées que nous puiserons nos idées de vertu ? Hélas ! Toutes ne semblent-elles pas s’accorder à nous annoncer un dieu despotique, jaloux, vindicatif, intéressé, qui ne connoît point de règles, qui suit son caprice en tout, qui aime ou qui hait, qui choisit ou réprouve selon sa fantaisie, qui agit en insensé, qui se plaît dans le carnage, la rapine & les forfaits ; qui se joue de ses foibles sujets, qui les surcharge d’ordonnances puériles, qui leur tend des pièges continuels, qui leur défend avec rigueur de consulter leur raison ? Que deviendroit la morale si les hommes se proposoient de tels dieux pour modèles ?
C’est néanmoins quelque divinité de cette