Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 2.djvu/259

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maintenir les dogmes & les usages utiles à leurs propres intérêts, ne firent qu’inventer des crimes fictifs, multiplier des pratiques gênantes ou ridicules, afin de mettre à profit les transgressions mêmes de leurs esclaves. Ils exercèrent par-tout un monopole d’expiations ; ils firent un trafic des prétendues graces d’en haut ; ils fixèrent un tarif pour les délits ; les plus graves furent toujours ceux que le sacerdoce jugea les plus nuisibles à ses vues. Les mots vagues & dépourvus de sens, d’ impiété, de sacrilège, d’ hérésie, de blasphême, etc. (qui n’ont visiblement pour objet que les chimeres intéressantes pour les seuls prêtres) allarmèrent les esprits bien plus que les forfaits réels & vraiment intéressans pour la société. Ainsi les idées des peuples furent totalement renversées ; des crimes imaginaires les effrayèrent bien plus que des crimes véritables. Un homme dont les opinions & les systêmes abstraits ne s’accordèrent point avec ceux des prêtres fut bien plus abhorré qu’un assassin, qu’un tyran, qu’un oppresseur, qu’un voleur, qu’un séducteur, qu’un corrupteur. Le plus grand des attentats fut de mépriser ce que les sacrificateurs vouloient qu’on regardât comme sacré[1]. Les loix civiles concoururent encore à ce renversement dans les idées ; elles punirent avec atrocité ces crimes inconnus que l’imagination avoit exagérés ; on brûla des hérétiques, des blasphémateurs, des mécréans, il n’y eut aucunes peines décernées contre les corrupteurs de l’innocence, les adultères, les fourbes, les calomniateurs.

Sous de pareils instituteurs que put devenir la

  1. Le célèbre Gordon dit que la plus grande des hérésies c’est de croire qu’il y a un autre Dieu que le Clergé.