Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 2.djvu/279

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inébranlable, ont affoibli ou même anéanti celle que lui donnoit la nature, & n’ont mis en sa place que des incertitudes. Ce dieu par les qualités qu’on lui donne, est une énigme inexplicable que chacun devine à sa façon, que chaque religion explique à sa manière, dans laquelle tous les théologiens du monde découvrent tout ce qui leur plaît, & d’après laquelle chaque homme se fait une morale à part conforme à son propre caractère. Si Dieu dit à l’homme doux, indulgent, équitable, d’être bon, compâtissant, bienfaisant ; il dit à l’homme emporté & dépourvu d’entrailles, d’être inhumain, intolérant, sans pitié. La morale de ce dieu varie d’homme à homme, d’une contrée à une autre, quelques peuples frémissent d’horreur à la vue des actions que d’autres peuples regardent comme saintes & méritoires. Les uns voient ce dieu rempli de clémence & de douceur, les autres le jugent cruel, & s’imaginent que c’est par des cruautés que l’on peut acquérir l’avantage de lui plaire.

La morale de la nature est claire ; elle est évidente pour ceux-mêmes qui l’outragent. Il n’en est pas de même de la morale religieuse, celle-ci est aussi obscure que la divinité qui la prescrit, ou plutôt aussi changeante que les passions & les tempéramens de ceux qui la font parler ou qui l’adorent. Si l’on s’en rapportoit aux théologiens, la morale devroit être regardée comme la science la plus problématique, la plus incertaine, la plus difficile à fixer. Il faudroit le génie le plus subtil ou le plus profond, l’esprit le plus pénétrant & le plus exercé pour découvrir les principes des devoirs de l’homme envers lui-même & les autres. Les vraies sources de la morale ne