pratique, il sera vertueux ; il sera récompensé de sa conduite par l’heureuse harmonie de sa machine, par l’estime légitime de lui-même, confirmée par la tendresse des autres : s’il agit d’une façon contraire, le trouble & le désordre de sa machine l’avertiront promptement que la nature n’approuve point sa conduite, qu’il la contredit, qu’il se nuit à lui-même, & il se trouvera forcé de souscrire à la condamnation des autres qui le haïront, qui blâmeront ses actions. Si l’égarement de son esprit l’empêche de voir les conséquences les plus immédiates de ses déréglemens, il ne verra pas davantage les récompenses & les châtimens éloignés du monarque invisible, que l’on a si vainement placé dans l’empyrée ; ce dieu ne lui parlera jamais d’une façon aussi claire que sa conscience, qui le récompense ou le punit sur le champ.
Tout ce qui vient d’être dit, nous prouve évidemment que la morale religieuse perdroit infiniment à être mise en parallèle avec la morale de la nature, qu’elle contredit à chaque instant. La nature invite l’homme à s’aimer, à se conserver, à augmenter incessamment la somme de son bonheur : la religion lui ordonne d’aimer uniquement un dieu redoutable & digne de haine, de se détester lui-même, de sacrifier à son idole effrayante les plaisirs les plus doux & les plus légitimes de
vraie de la vertu. Selon elle, c’est un effet de la grâce qui nous dispose à faire ce qui est agréable à la divinité. Mais qu’est-ce que la divinité ? qu’est-ce que la grâce ? comment agit-elle sur l’homme ? qu’est-ce qui est agréable à Dieu ? pourquoi ce Dieu ne donne-t-il pas à tous les hommes la grâce de faire ce qui est agréable à ses yeux ? adhuc sub Judice lis est. On a dit sans cesse aux hommes de faire le bien parce que Dieu le voulait, jamais on ne leur a dit ce que c’était que bien faire, et jamais on n’a pu leur apprendre ni ce que c’était que Dieu, ni ce qu’il voulait qu’on fit