Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 2.djvu/287

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plus puissans, les obligent bientôt d’oublier les regles que la nature leur impose. Ils sont continuellement flottans entre le vice & la vertu ; on les voit sans cesse en contradiction avec eux-mêmes ; s’ils sentent quelquefois le prix d’une conduite honnête, l’expérience leur fait voir bientôt que cette conduite ne les mêne à rien, & peut même devenir un obstacle invincible au bonheur que leur cœur ne cesse de chercher. Dans des sociétés corrompues, il faut se corrompre pour devenir heureux.

Les citoyens, égarés à la fois par leurs guides spirituels & temporels, ne connurent ni la raison ni la vertu. Esclaves des dieux, esclaves des hommes, ils eurent tous les vices attachés à la servitude ; retenus dans une enfance perpétuelle, ils n’eurent ni lumières, ni principes ; ceux qui leur prêchèrent les avantages de la vertu ne la connurent point eux-mêmes, & ne purent les détromper des jouets dans lesquels ils avoient appris à faire consister leur bonheur. Envain leur cria-t-on d’étouffer leurs passions que tout conspiroit à déchaîner : envain fit-on gronder la foudre des dieux pour intimider des hommes que le tumulte rendoit sourds. Ils s’apperçurent bientôt que les dieux de l’Olympe étoient bien moins à craindre que ceux de la terre ; que les faveurs de ceux-ci procuroient un bien être plus sûr que les promesses des autres : que les richesses de ce monde étoient préférables aux trésors que le ciel réservoit à ses favoris : qu’il étoit plus avantageux de se conformer aux vues des puissances visibles qu’à celles des puissances qu’on ne voyoit jamais.

En un mot la société, corrompue par ses chefs,