Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 2.djvu/32

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dans cette nature, qu’ils supposèrent animée des mêmes passions qu’eux, ou du moins gouvernée par quelque agent secret qui lui faisoit exécuter ses volontés favorables ou nuisibles à l’espèce humaine. Ce fut à cet agent supposé qu’ils adressèrent leurs vœux : assez peu occupés de lui au sein du bien-être, ils le remercièrent pourtant de ses bienfaits, dans la crainte que leur ingratitude ne provoquât sa fureur ; mais ils l’invoquèrent surtout avec ferveur dans leurs calamités, dans leurs maladies, dans les désastres qui effrayoient leurs regards ; ils lui demandèrent alors de changer en leur faveur l’essence & la façon d’agir des êtres ; chacun d’eux prétendit que pour faire cesser le moindre mal qui l’affligeoit, la chaîne éternelle des choses fût arrêtée ou brisée.

C’est sur des prétentions si ridicules que sont fondées les priéres ferventes, que les mortels, presque toujours mécontens de leur sort & jamais d’accord sur leurs desirs, adressent à la divinité. Sans cesse à genoux devant la puissance imaginaire qu’ils jugent en droit de commander à la nature, ils la supposent assez forte pour en déranger le cours, pour la faire servir aux vues particulières & l’obliger à contenter les desirs discordans des êtres de l’espèce humaine. Le malade expirant sur son lit lui demande que les humeurs amassées dans son corps perdent sur le champ les propriétés qui les rendent nuisibles à son être, & que par un acte de sa puissance son dieu renouvelle ou crée de nouveau les ressorts d’une machine usée par des infirmités. Le cultivateur d’un terrein humide & bas se plaint à lui de l’abondance des pluies dont son champ est inondé, tandis que l’habitant d’une colline élevée le remercie de ses faveurs, & sol-