Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 2.djvu/389

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On demandera peut-être si l’on pourroit raisonnablement se flatter de jamais parvenir à faire oublier à tout un peuple ses opinions religieuses ou les idées qu’il a de la divinité ? Je réponds que la chose paroit entiérement impossible, & que ce n’est pas le but que l’on puisse se proposer. L’idée d’un dieu, inculquée dès l’enfance la plus tendre, ne paroît pas de nature à pouvoir se déraciner de l’esprit du plus grand nombre des hommes : il seroit peut-être aussi difficile de la donner à des personnes qui, parvenues à un certain âge n’en auroient jamais entendu parler, que de la bannir de la tête de ceux qui depuis l’ âge le plus tendre en ont été imbus. Ainsi l’on ne peut supposer que l’on puisse faire passer une nation entière de l’abîme de la superstition, c’est-à-dire du sein de l’ignorance & du délire, à l’athéisme absolu, qui suppose de la réflexion, de l’étude, des connoissances, une longue chaîne d’expériences, l’habitude de contempler la nature, la science des vraies causes de ses phénomènes divers, de ses combinaisons, de ses loix, des êtres qui la composent & de leurs différentes propriétés. Pour être athée, ou pour s’assûrer des forces de la nature, il faut l’avoir méditée ; un coup d’œil superficiel ne la fera point connoitre ; des yeux peu exercés s’y tromperont sans cesse ; l’ignorance des vraies causes en fera supposer d’imaginaires ; & l’ignorance ainsi ramenera le physicien lui-même aux pieds d’un phantôme, dans lequel ses vues bornées ou sa paresse croiront trouver la solution de toutes les difficultés.

L’athéisme, ainsi que la philosophie & toutes les sciences profondes & abstraites, n’est donc point fait pour le vulgaire, ni même pour le plus