concevoir ni pratiquer, qui fait conſiſter ſa morale dans des devoirs fictifs, ſa vertu dans des actions inutiles, & ſouvent pernicieuſes à la ſociété ; qui, faute de connoître la nature qu’il a devant les yeux, ſe croit forcé de chercher dans un monde idéal des motifs imaginaires dont tout prouve l’inefficacité. Les motifs que la morale de la nature emploie ſont l’intérêt évident de chaque homme, de chaque ſociété, de toute l’eſpece humaine dans tous les tems, dans tous les pays, dans toutes les circonſtances. Son culte eſt le ſacrifice des vices & la pratique des vertus réelles ; ſon objet eſt la conſervation, le bien être & la paix des hommes ; ſes récompenſes ſont l’affection, l’eſtime & la gloire, ou à leur défaut le contentement de l’ame & l’eſtime méritée de ſoi même, dont rien ne privera jamais les mortels vertueux ; ſes châtimens ſont la haîne, les mépris, l’indignation que la ſociété réſerve toujours à ceux qui l’outragent, & auxquels la puiſſance la plus grande ne peut jamais ſe ſouſtraire.
Les nations qui voudront s’en tenir à une morale ſi ſage, qui la feront inculquer à l’Enfance, dont les loix la confirmeront ſans ceſſe, n’auront beſoin ni de ſuperſtitions ni de chimeres : celles qui s’obſtineront à préférer des phantômes à leurs intérêts les plus chers, marcheront d’un pas ſur à la ruine. Si elles ſe ſoutiennent quelque tems, c’eſt que la force de la nature les ramenera quelquefois à la raiſon, en dépit des préjugés qui ſemblent les conduire à une perte certaine. La Superſtition & la Tyrannie, liguées pour la destruction du genre humain, ſont ſouvent elles-mêmes forcées d’implorer les ſecours d’une raiſon qu’elles dédaignent, d’une nature avilie qu’el-