Page:Homère - Iliade, trad. Leconte de Lisle.djvu/395

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l’eau divine fut réprimée. De même que Boréas, aux jours d’automne, sèche les jardins récemment arrosés et réjouit le jardinier, de même le feu dessécha la plaine et brûla les cadavres. Puis, Hèphaistos tourna contre le fleuve sa flamme resplendissante ; et les ormes brûlaient, et les saules, et les tamaris ; et le lotos brûlait, et le glaïeul, et le cyprès, qui abondaient tous autour du fleuve aux belles eaux. Et les anguilles et les poissons nageaient çà et là, ou plongeaient dans les tourbillons, poursuivis par le souffle du sage Hèphaistos. Et la force même du fleuve fut consumée, et il cria ainsi :

— Hèphaistos ! aucun des dieux ne peut lutter contre toi. Je ne combattrai point tes feux brûlants. Cesse donc. Le divin Akhilleus peut chasser tous les Troiens de leur ville. Pourquoi les secourir et que me fait leur querelle ?

Il parla ainsi, brûlant, et ses eaux limpides bouillonnaient. De même qu’un vase bout sur un grand feu qui fond la graisse d’un sanglier gras, tandis que la flamme du bois sec l’enveloppe ; de même le beau cours du Xanthos brûlait, et l’eau bouillonnait, ne pouvant plus couler dans son lit, tant le souffle ardent du sage Hèphaistos la dévorait. Alors, le Xanthos implora Hèrè en paroles rapides :

— Hèrè ! pourquoi ton fils me tourmente-t-il ainsi ? Je ne suis point, certes, aussi coupable que les autres dieux qui secourent les Troiens. Je m’arrêterai moi-même, si tu ordonnes à ton fils de cesser. Et je jure aussi de ne plus retarder le dernier jour des Troiens, quand même Troiè périrait par le feu, quand même les fils belliqueux des Akhaiens la consumeraient tout entière !

Et la déesse Hèrè aux bras blancs, l’ayant entendu, dit aussitôt à son fils bien-aimé Hèphaistos :

— Hèphaistos, arrête, mon illustre fils ! Il ne convient pas qu’un dieu soit tourmenté à cause d’un homme.

Elle parla ainsi, et Hèphaistos éteignit le vaste incendie