Page:Homère - Iliade, trad. Leconte de Lisle.djvu/468

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semblable à un homme que l’archer Apollôn vient de frapper de ses divines flèches.

Elle parla ainsi en pleurant, et elle excita les gémissements des femmes ; et, au milieu de celles-ci, Hélénè continua le deuil :

— Hektôr, tu étais le plus cher de tous mes frères, car Alexandros, plein de beauté, est mon époux, lui qui m’a conduite dans Troiè. Plût aux dieux que j’eusse péri auparavant ! Voici déjà la vingtième année depuis que je suis venue, abandonnant ma patrie, et jamais tu ne m’as dit une parole injurieuse ou dure, et si l’un de mes frères, ou l’une de mes sœurs, ou ma belle-mère, — car Priamos me fut toujours un père plein de douceur, — me blâmait dans nos demeures, tu les avertissais et tu les apaisais par ta douceur et par tes paroles bienveillantes. C’est pour cela que je te pleure en gémissant, moi, malheureuse, qui n’aurai plus jamais un protecteur ni un ami dans la grande Troiè, car tous m’ont en horreur.

Elle parla ainsi en pleurant, et tout le peuple gémit.

Mais le vieux Priamos leur dit :

— Troiens, amenez maintenant le bois dans la ville, et ne craignez point les embûches profondes des Argiens, car Akhilleus, en me renvoyant des nefs noires, m’a promis de ne point nous attaquer avant qu’Éôs ne soit revenue pour la douzième fois.

Il parla ainsi, et tous, attelant aux chars les bœufs et les mulets, aussitôt se rassemblèrent devant la ville. Et, pendant neuf jours, ils amenèrent des monceaux de bois. Et quand Éôs reparut pour la dixième fois éclairant les mortels, ils placèrent, en versant des larmes, le brave Hektôr sur le faîte du bûcher, et ils y mirent le feu. Et quand Éôs aux doigts rosés, née au matin, reparut encore, tout le peuple se rassembla autour du bûcher de l’illustre