Page:Homère - Les dix premiers livres de l’Iliade trad. Salel 1545.djvu/45

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Si ſ’approcha & ſes genoux embraſſe
Du bras ſeneſtre, & d’une bonne grace,
(Tenant la dextre au menton doulcement)
Ouvrit ſa bouche, & luy diſt humblement.
    Si quelquefois, Pere tres redoubté,
I’ay ſecouru ta haulte Maieſte
De mon pouvoir, ores je te ſuply,
Que mon deſir ſoit par toy accomply.
Rends à mon filz, puis qu’il fault qu’il ne vive
Qu’un peu de temps, l’honneur dont on le prive.
Fay que l’injure à grand tort ſouſtenue,
Soit en brefz jours d’Agamemnon cogneue
Donnant aux Grecs une craincte indicible,
Et aux Troyens une force invincible :
juſques à tant que du camp tourmenté
Luy ſoit l’honneur rendu & augmenté.
    Au doux parler de Thetis, le grand Dieu
Ne feit reſponſe : ains ſans partir du lieu
Se tint tout quoy, bien avant en penſée.
Dont la Deeſſe eſtant deſja laſſée
Du long ſilence encor d’humble maniere
À deux genoux luy dreſſa ſa priere.
    Accorde moy, Iuppiter, ou refuſe
Ce que ie veux ſans me tenir confuſe,
Veu meſmement que craincte n’a ſur toy
Aulcun pouvoir : donc declaire le moy,
À celle fin que je ſoye adviſée,
Combien je ſuis aymée, ou meſpriſée.
    Ô grief danger (reſpondit Iuppiter,
En ſouſpirant) ſ’il me fault irriter
Iuno ma femme, & la rendre adverſaire.
C’eſt celle la, que j’ay touſjours contraire