Page:Homère - Odyssée, traduction Leconte de Lisle, 1893.djvu/147

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il convenait. Et quand je lui demandai de me laisser partir et de me renvoyer, il ne me refusa point et il prépara mon retour. Et il me donna une outre, faite de la peau d’un bœuf de neuf ans, dans laquelle il enferma le souffle des Vents tempétueux ; car le Kroniôn l’avait fait le maître des Vents, et lui avait donné de les soulever ou de les apaiser, selon sa volonté. Et, avec un splendide câble d’argent, il l’attacha dans ma nef creuse, afin qu’il n’en sortît aucun souffle. Puis il envoya le seul Zéphyros pour nous emporter, les nefs et nous. Mais ceci ne devait point s’accomplir, car nous devions périr par notre démence.

Et, sans relâche, nous naviguâmes pendant neuf jours et neuf nuits, et au dixième jour la terre de la patrie apparaissait déjà, et nous apercevions les feux des habitants. Et, dans ma fatigue, le doux sommeil me saisit. Et j’avais toujours tenu le gouvernail de la nef, ne l’ayant cédé à aucun de mes compagnons, afin d’arriver promptement dans la terre de la patrie. Et mes compagnons parlèrent entre eux, me soupçonnant d’emporter dans ma demeure de l’or et de l’argent, présents du magnanime Aiolos Hippotade. Et ils se disaient entre eux :

— Ô Dieux ! combien Odysseus est aimé de tous les hommes et très-honoré de tous ceux dont il aborde la ville et la terre ! Il a emporté de Troiè, pour sa part du butin, beaucoup de choses belles et précieuses, et nous rentrons dans nos demeures, les mains vides, après avoir fait tout ce qu’il a fait. Et voici que, par amitié, Aiolos l’a comblé de présents ! Mais voyons à la hâte ce qu’il y a dans cette outre, et combien d’or et d’argent on y a renfermé.

Ils parlaient ainsi, et leur mauvais dessein l’emporta. Ils ouvrirent l’outre, et tous les Vents en jaillirent. Et aussitôt la tempête furieuse nous emporta sur la mer, pleurants, loin de la terre de la patrie. Et, m’étant réveillé, je délibérai dans mon cœur irréprochable si je devais périr en