Page:Homère - Odyssée, traduction Leconte de Lisle, 1893.djvu/182

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ribles des batailles, des mêlées et des combats tueurs d’hommes, car un très-habile ouvrier avait fait ce baudrier. Et, m’ayant vu, il me reconnut aussitôt, et il me dit en gémissant ces paroles ailées :

— Divin Laertiade, subtil Odysseus, sans doute tu es misérable et une mauvaise destinée te conduit, ainsi que moi, quand j’étais sous la clarté de Hèlios. J’étais le fils du Kroniôn Zeus, mais je subissais d’innombrables misères, opprimé par un homme qui m’était inférieur et qui me commandait de lourds travaux. Il m’envoya autrefois ici pour enlever le chien Kerbéros, et il pensait que ce serait mon plus cruel travail ; mais j’enlevai Kerbéros et je le traînai hors des demeures d’Aidès, car Herméias et Athènè aux yeux clairs m’avaient aidé.

Il parla ainsi, et il rentra dans la demeure d’Aidès. Et moi, je restai là, immobile, afin de voir quelques-uns des hommes héroïques qui étaient morts dans les temps antiques ; et peut-être eussé-je vu les anciens héros que je désirais, Thèseus, Peirithoos, illustres enfants des Dieux ; mais l’innombrable multitude des morts s’agita avec un si grand tumulte que la pâle terreur me saisit, et je craignis que l’illustre Perséphonéia m’envoyât, du Hadès, la tête de l’horrible monstre Gorgônien. Et aussitôt je retournai vers ma nef, et j’ordonnai à mes compagnons d’y monter et de détacher le câble. Et aussitôt ils s’assirent sur les bancs de la nef, et le courant emporta celle-ci sur le fleuve Okéanos, à l’aide de la force des avirons et du vent favorable.