Page:Homère - Odyssée, traduction Leconte de Lisle, 1893.djvu/200

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des pensées égales à celles des dieux, et qui, en son âme, avait subi des maux innombrables, dans les combats des hommes et sur les mers dangereuses. Et maintenant il dormait en sûreté, oublieux de tout ce qu’il avait souffert.

Et quand la plus brillante des étoiles se leva, celle qui annonce la lumière d’Éôs née au matin, alors la nef qui fendait la mer aborda l’île.

Le port de Phorkys, vieillard de la mer, est sur la côte d’Ithakè. Deux promontoires abrupts l’enserrent et le défendent des vents violents et des grandes eaux ; et les nefs à bancs de rameurs, quand elles y sont entrées, y restent sans câbles. À la pointe du port, un olivier aux rameaux épais croit devant l’antre obscur, frais et sacré, des Nymphes qu’on nomme Naiades. Dans cet antre il y a des kratères et des amphores de pierre où les abeilles font leur miel, et de longs métiers à tisser où les Nymphes travaillent des toiles pourprées admirables à voir. Et là sont aussi des sources inépuisables. Et il y a deux entrées, l’une, pour les hommes, vers le Boréas, et l’autre, vers le Notos, pour les Dieux. Et jamais les hommes n’entrent par celle-ci, mais seulement les Dieux.

Et dès que les Phaiakiens eurent reconnu ce lieu, ils y abordèrent. Et une moitié de la nef s’élança sur la plage, tant elle était vigoureusement poussée par les bras des rameurs. Et ceux-ci, étant sortis de la nef à bancs de rameurs, transportèrent d’abord Odysseus hors de la nef creuse, et, avec lui, le lit brillant et la toile de lin ; et ils le déposèrent endormi sur le sable. Et ils transportèrent aussi les choses que lui avaient données les illustres Phaiakiens à son départ, ayant été inspirés par la magnanime Athènè. Et ils les déposèrent donc auprès des racines de l’olivier, hors du chemin, de peur qu’un passant y touchât avant le réveil d’Odysseus. Puis, ils retournèrent vers leurs demeures.