Page:Homère - Odyssée, traduction Leconte de Lisle, 1893.djvu/208

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mettras la main sur les prétendants insolents qui commandent depuis trois ans dans ta maison, recherchant ta femme divine et lui faisant des présents. Elle attend toujours ton retour, gémissant dans son cœur, et elle donne de l’espoir et elle fait des promesses à chacun d’eux, et elle leur envoie des messagers ; mais son esprit a d’autres pensées.

Et le subtil Odysseus, lui répondant, parla ainsi :

— Ô Dieux ! je devais donc, comme l’Atréide Agamemnôn, périr d’une mauvaise mort dans mes demeures, si tu ne m’eusses averti à temps, ô Déesse ! Mais dis-moi comment nous punirons ces hommes. Debout auprès de moi, souffle dans mon cœur une grande audace, comme au jour où nous avons renversé les grandes murailles de Troiè. Si tu restes, pleine d’ardeur, auprès de moi, ô Athènè aux yeux clairs, et si tu m’aides, ô vénérable Déesse, je combattrai seul trois cents guerriers.

Et la déesse Athènè aux yeux clairs lui répondit :

— Certes, je serai auprès de toi et je ne te perdrai pas de vue, quand nous accomplirons ces choses. Et j’espère que le large pavé sera souillé du sang et de la cervelle de plus d’un de ces Prétendants qui mangent tes richesses. Je vais te rendre inconnu à tous les hommes. Je riderai ta belle peau sur tes membres courbés ; je ferai tomber tes cheveux blonds de ta tête ; je te couvrirai de haillons qui font qu’on se détourne de celui qui les porte ; je ternirai tes yeux maintenant si beaux, et tu apparaîtras à tous les Prétendants comme un misérable, ainsi qu’à ta femme et au fils que tu as laissés dans tes demeures. Va d’abord trouver le porcher qui garde tes porcs, car il te veut du bien, et il aime ton fils et la sage Pènélopéia. Tu le trouveras surveillant les porcs ; et ceux-ci se nourrissent auprès de la roche du Corbeau et de la fontaine Aréthousè, mangeant le gland qui leur plaît et buvant l’eau noire.