Page:Homère - Odyssée, traduction Leconte de Lisle, 1893.djvu/211

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en les mangeant, et le porcher leur envoyait toujours le plus gras et le meilleur de tous ; et il n’y en avait plus que trois cent soixante. Quatre chiens, semblables à des bêtes fauves, et que le prince des porchers nourrissait, veillaient toujours sur les porcs.

Et celui-ci adaptait à ses pieds des sandales qu’il taillait dans la peau d’une vache coloriée. Et trois des autres porchers étaient dispersés, faisant paître leurs porcs ; et le quatrième avait été envoyé par nécessité à la Ville, avec un porc pour les Prétendants orgueilleux, afin que ceux-ci, l’ayant tué, dévorassent sa chair.

Et aussitôt les chiens aboyeurs virent Odysseus, et ils accoururent en hurlant ; mais Odysseus s’assit plein de ruse, et le bâton tomba de sa main. Alors il eût subi un indigne traitement auprès de l’étable qui était à lui ; mais le porcher accourut promptement de ses pieds rapides ; et le cuir lui tomba des mains, et, en criant, il chassa les chiens à coups de pierres, et il dit au Roi :

— Ô Vieillard, certes, ces chiens allaient te déchirer et me couvrir d’opprobre. Les Dieux m’ont fait assez d’autres maux. Je reste ici, gémissant, et pleurant un Roi divin, et je nourris ses porcs gras, pour que d’autres que lui les mangent ; et peut-être souffre-t-il de la faim, errant parmi les peuples étrangers, s’il vit encore et s’il voit la lumière de Hèlios. Mais suis-moi, et entrons dans l’étable, ô Vieillard, afin que, rassasié dans ton âme de nourriture et de vin, tu me dises d’où tu es et quels maux tu as subis.

Ayant ainsi parlé, le divin porcher le précéda dans l’étable, et, l’introduisant, il le fit asseoir sur des branches épaisses qu’il recouvrit de la peau d’une chèvre sauvage et velue. Et, s’étant couché sur cette peau grande et épaisse, Odysseus se réjouit d’être reçu ainsi, et il dit :

— Que Zeus, ô mon hôte, et les autres Dieux immortels