Page:Homère - Odyssée, traduction Leconte de Lisle, 1893.djvu/223

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blanches. Et le héros, le subtil Odysseus, s’en glorifia, et dit à Eumaios :

— Plaise aux dieux, Eumaios, que tu sois toujours cher au père Zeus, puisque, tel que je suis, tu m’as honoré de cette part excellente.

Et le porcher Eumaios lui répondit :

— Mange heureusement, mon hôte, et délecte-toi de ces mets tels qu’ils sont. Un Dieu nous les a donnés et nous laissera en jouir, s’il le veut ; car il peut tout.

Il parla ainsi, et il offrit les prémices aux Dieux éternels. Puis, ayant fait des libations avec du vin rouge, il mit une coupe entre les mains d’Odysseus destructeur des citadelles. Et celui-ci s’assit devant le dos du porc ; et Mésaulios, que le chef des porchers avait acheté en l’absence de son maître, et sans l’aide de sa maîtresse et du vieux Laertès, distribua les parts. Il l’avait acheté de ses propres richesses à des Taphiens.

Et tous étendirent les mains vers les mets placés devant eux. Et après qu’ils eurent assouvi le besoin de boire et de manger, Mésaulios enleva le pain, et tous, rassasiés de nourriture, allèrent à leurs lits.

Mais la nuit vint, mauvaise et noire ; et Zeus plut toute la nuit, et le grand Zéphyros soufflait chargé d’eau. Alors Odysseus parla ainsi, pour éprouver le porcher qui prenait tant de soins de lui, afin de voir si, retirant son propre manteau, il le lui donnerait, ou s’il avertirait un de ses compagnons :

— Écoutez-moi maintenant, toi, Eumaios, et vous, ses compagnons, afin que je vous parle en me glorifiant, car le vin insensé m’y pousse, lui qui excite le plus sage à chanter, à rire, à danser, et à prononcer des paroles qu’il eût été mieux de ne pas dire ; mais dès que j’ai commencé à être bavard, je ne puis rien cacher. Plût aux Dieux que je fusse jeune et que ma force fût grande, comme au jour où nous