Page:Homère - Odyssée, traduction Leconte de Lisle, 1893.djvu/269

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— Écoutez-moi, Prétendants de l’illustre Reine, je parlerai de cet Étranger que j’ai déjà vu. C’est assurément le porcher qui l’a conduit ici ; mais je ne sais où il est né.

Il parla ainsi, et Antinoos réprimanda le porcher par ces paroles :

— Ô porcher, pourquoi as-tu conduit cet homme à la Ville ? N’avons-nous pas assez de vagabonds et de mendiants, calamité des repas ? Trouves-tu qu’il ne suffit pas de ceux qui sont réunis ici pour dévorer les biens de ton maître, que tu aies encore appelé celui-ci ?

Et le porcher Eumaios lui répondit :

— Antinoos, tu ne dis pas de bonnes paroles, bien que tu sois illustre. Quel homme peut appeler un étranger, afin qu’il vienne de loin, s’il n’est de ceux qui sont habiles, un divinateur, un médecin, un ouvrier qui taille le bois, ou un grand Aoide qui charme en chantant ? Ceux-là sont illustres parmi les hommes sur la terre immense. Mais personne n’appelle un mendiant, s’il ne désire se nuire à soi-même. Tu es le plus dur des prétendants pour les serviteurs d’Odysseus, et surtout pour moi ; mais je n’en ai nul souci, tant que la sage Pènélopéia et le divin Tèlémakhos vivront dans leurs demeures.

Et le prudent Tèlémakhos lui dit :

— Tais-toi, et ne lui réponds point tant de paroles. Antinoos a coutume de chercher querelle par des paroles injurieuses et d’exciter tous les autres.

Il parla ainsi, et il dit ensuite à Antinoos ces paroles ailées :

— Antinoos, tu prends soin de moi comme un père de son fils, toi qui ordonnes impérieusement à un étranger de sortir de ma demeure ! mais qu’un dieu n’accomplisse point cet ordre. Donne à cet homme. Je ne t’en blâmerai point. Je te l’ordonne même. Tu n’offenseras ainsi ni ma mère, ni aucun des serviteurs qui sont dans la demeure du