Page:Homère - Odyssée, traduction Leconte de Lisle, 1893.djvu/271

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clameurs, accoururent au lever d’Éôs, et toute la plaine se remplit de piétons et de cavaliers et de l’éclat de l’airain. Et le foudroyant Zeus mit mes compagnons en fuite, et aucun d’eux ne soutint l’attaque, et la mort les environna de toutes parts. Là, un grand nombre des nôtres fut tué par l’airain aigu, et les autres furent emmenés vivants pour être esclaves. Et les Aigyptiens me donnèrent à Dmètôr Iaside, qui commandait à Kypros, et il m’y emmena, et de là je suis venu ici, après avoir beaucoup souffert.

Et Antinoos lui répondit :

— Quel dieu a conduit ici cette peste, cette calamité des repas ? Tiens-toi au milieu de la salle, loin de ma table, si tu ne veux voir bientôt une Aigyptiè et une Kypros amères, aussi sûrement que tu es un audacieux et impudent mendiant. Tu t’arrêtes devant chacun, et ils te donnent inconsidérément, rien ne les empêchant de donner ce qui ne leur appartient pas, car ils ont tout en abondance.

Et le subtil Odysseus dit en s’en retournant :

— Ô Dieux ! Tu n’as pas les pensées qui conviennent à ta beauté ; et à celui qui te le demanderait dans ta propre demeure tu ne donnerais pas même du sel, toi qui, assis maintenant à une table étrangère, ne peux supporter la pensée de me donner un peu de pain, quand tout abonde ici.

Il parla ainsi, et Antinoos fut grandement irrité dans son cœur, et, le regardant d’un œil sombre, il lui dit ces paroles ailées :

— Je ne pense pas que tu sortes sain et sauf de cette demeure, puisque tu as prononcé cet outrage.

Ayant ainsi parlé, il saisit son escabeau et en frappa l’épaule droite d’Odysseus à l’extrémité du dos. Mais Odysseus resta ferme comme une pierre, et le trait d’Antinoos ne l’ébranla pas. Il secoua la tête en silence, en méditant la mort du Prétendant. Puis, il retourna s’asseoir sur le