Page:Homère - Odyssée, traduction Leconte de Lisle, 1893.djvu/352

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vos chers cœurs par la joie, car vous avez subi beaucoup de maux. Maintenant, vos longs désirs sont accomplis. Odysseus est revenu dans sa demeure, il vous a retrouvés, toi et ton fils ; et les Prétendants qui l’avaient outragé, il les a tous punis dans ses demeures.

Et la prudente Pènélopéia lui répondit :

— Chère nourrice, ne te glorifie pas en te raillant ? Tu sais combien il nous comblerait tous de joie en reparaissant ici, moi surtout et le fils que nous avons engendré ; mais les paroles que tu as dites ne sont point vraies. L’un d’entre les Immortels a tué les Prétendants insolents, irrité de leur violente insolence et de leurs actions iniques ; car ils n’honoraient aucun des hommes terrestres, ni le bon, ni le méchant, de tous ceux qui venaient vers eux. C’est pourquoi ils ont subi leur destinée fatale, à cause de leurs iniquités ; mais, loin de l’Akhaiè, Odysseus a perdu l’espoir de retour, et il est mort.

Et la chère nourrice Eurykléia lui répondit :

— Mon enfant, quelle parole s’est échappée d’entre tes dents ? Quand ton mari, que tu pensais ne jamais revoir à son foyer, est revenu dans sa demeure, ton esprit est toujours incrédule ? Mais, écoute ; je te révélerai un signe très-manifeste : j’ai reconnu, tandis que je le lavais ; la cicatrice de cette blessure qu’un sanglier lui fit autrefois de ses blanches dents. Je voulais te le dire, mais il m’a fermé la bouche avec les mains, et il ne m’a point permis de parler, dans un esprit prudent. Suis-moi, je me livrerai à toi, si je t’ai trompée, et tu me tueras d’une mort honteuse.

Et la prudente Pènélopéia lui répondit :

— Chère nourrice, bien que tu saches beaucoup de choses, il t’est difficile de comprendre les desseins des Dieux non engendrés. Mais allons vers mon fils, afin que je voie les Prétendants morts et celui qui les a tués.

Ayant ainsi parlé, elle descendit de la chambre haute,