Page:Homère - Odyssée, traduction Leconte de Lisle, 1893.djvu/39

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Si elle voulait t’aimer ainsi et te protéger, chacun des prétendants oublierait bientôt ses désirs de noces !

Et le prudent Tèlémakhos lui répondit :

— Ô vieillard, je ne pense pas que ceci arrive jamais. Les grandes choses que tu prévois me troublent et me jettent dans la stupeur. Elles tromperaient mes espérances, même si les Dieux le voulaient.

Alors, Athènè, la Déesse aux yeux clairs, lui répondit :

— Tèlémakhos, quelle parole s’est échappée d’entre tes dents ! Un Dieu peut aisément sauver un homme, même de loin. J’aimerais mieux, après avoir subi de nombreuses douleurs, revoir le jour du retour et revenir dans ma demeure, plutôt que de périr à mon arrivée, comme Agamemnôn par la perfidie d’Aigisthos et de Klytaimnestrè. Cependant, les Dieux eux-mêmes ne peuvent éloigner de l’homme qu’ils aiment la mort commune à tous, quand la Moire fatale de la rude mort doit les saisir.

Et le prudent Tèlémakhos lui répondit :

— Mentôr, n’en parlons pas plus longtemps, malgré notre tristesse. Odysseus ne reviendra jamais, et déjà les Dieux immortels lui ont infligé la mort et la noire kèr. Maintenant, je veux interroger Nestôr, car il l’emporte sur tous par l’intelligence et par la justice. Ô Nestôr Nèlèiade, dis-moi la vérité ; comment a péri l’Atréide Agamemnôn qui commandait au loin ? Quelle mort lui préparait le perfide Aigisthos ? Certes, il a tué un homme qui lui était bien supérieur. Où était Ménélaos ? Non dans l’Argos Akhaïque, sans doute ; et il errait au loin parmi les hommes, et Aigisthos, en son absence, a commis le meurtre.

Et le cavalier Gérennien Nestôr lui répondit :

— Certes, mon enfant, je te dirai la vérité sur ces choses, et tu les sauras, telles qu’elles sont arrivées. Si le blond Ménélaos Atréide, à son retour de Troiè, avait trouvé, dans ses demeures, Aigisthos vivant, sans doute celui-ci