Page:Homère - Odyssée, traduction Leconte de Lisle, 1893.djvu/472

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pleurant beaucoup et se reprochant son repentir tardif, il s’arracha les poils, et il serrait ses pieds contre son ventre, et, dans sa poitrine, son cœur battait à cause de la nouveauté, et il voulait revenir à terre. Et il gémissait profondément, par la violence de la froide peur. Et, d’abord, il étendit sa queue sur l’eau, en la remuant comme un aviron, et suppliant les Dieux, afin de revenir à terre, parce qu’il était baigné par les eaux pourprées. Et il criait beaucoup, et il dit ceci du fond de sa gorge :

— Le taureau ne porta pas ainsi le fardeau d’amour, quand il mena Europè dans la Krètè, à travers les flots ! Il ne fit pas comme cette grenouille qui, sur son dos, me porte en nageant vers sa demeure, tandis qu’elle élève son corps pâle au-dessus de l’eau blanche.

Mais voici qu’un Hydre apparut soudainement, horrible apparition pour tous deux, et il dressait son cou au-dessus de l’eau. Et Physignathos aux joues enflées, l’ayant vu, plongea, ne songeant pas que son compagnon abandonné allait périr. Et, plongeant au fond du marais, il évita la noire Kèr.

Et Psikharpax le voleur de miettes, dès qu’il eut été abandonné, tomba aussitôt à la renverse dans l’eau ; et il serrait les pattes, et il criait en périssant. Et il fut souvent submergé, et il remonta souvent en battant l’eau ; mais il ne lui était pas permis d’éviter la destinée. Et ses poils, étant mouillés, pesaient sur lui plus lourdement ; et, enfin, comme il périssait, il dit ceci :

— Tu ne cacheras point par ruse, Physignathos aux joues enflées, les choses que tu as faites, en me jetant, naufragé, du haut de ton corps, comme d’une roche. Tu ne l’aurais emporté sur moi, à terre, ô très-mauvais, ni au pugilat, ni à la lutte, ni à la course ; mais, là où tu m’as aventuré, tu m’as jeté dans l’eau. Les Dieux ont un œil