Page:Homère - Odyssée, traduction Séguier, Didot, 1896.djvu/128

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Ou la prier de loin, en un discours mielleux,
De lui montrer les murs, d’habiller sa misère.
Il crut que le parti le plus sage de tous
Était de l’implorer doucement à distance,
Crainte de l’irriter en prenant ses genoux.
Aussitôt il lui dit, avec charme et prudence :
« Ô reine, je t’adjure, ou femme ou déité !
Si tu portes là-haut un divin diadème,
Je t’égale à Diane, enfant du Dieu suprême,
Pour les formes, la taille et la sérénité.
Mais si d’un sang mortel se colorent tes veines,
Heureux, trois fois heureux tes augustes parents,
Et tes frères aussi ! leurs cœurs exubérants
Se fondent sans nul doute en ivresses soudaines,
Quand aux danses rayonne un être tel que toi !
Ah ! bienheureux surtout, et par-dessus les autres,
Celui qui t’acquerra, qui t’aura sous son toit !
Je n’ai jamais rien vu de pareil chez les nôtres,
Soit fille, soit garçon ; tu me tiens ébloui.
À Délos autrefois, j’observai, prés du temple
D’Apollon, un palmier soudain épanoui ;
Car j’allai dans ces lieux, guerrier donnant l’exemple
En un trajet fatal dont saignèrent mes pas.
Je restai stupéfait devant sa tige altière,
Nul autre comme lui n’étant sorti de terre.
Femme, ainsi je t’admire, ébahi, n’osant pas
Embrasser tes genoux, et le malheur m’accable !
Hier j’ai pu m’enfuir de l’abîme écumant,
Après vingt jours d’orage et de mer implacable,
Depuis l’île d’Ogyge ; un dieu présentement
Pour croître mes ennuis me jette en cette zone.
C’en est fait, je m’attends à d’autres coups du Sort.