Page:Homère - Odyssée, traduction Séguier, Didot, 1896.djvu/169

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Elle étreint ce cadavre encore frémissant
Et gémit éperdue ; or, de sa lance vile
Aux bras et dans le dos l’ennemi la blessant
L’emmène en servitude et la voue aux misères ;
Sa face alors s’empreint d’un morne désespoir :
Ulysse ainsi versait mille larmes amères.
Mais nul des conviés ne le vit se douloir ;
Le seul Alcinoüs, de sa table proxime,
L’entendit exhaler d’innombrables sanglots.
Aussitôt, secouant son peuple maritime :
« Oyez, chefs et régents des Phéaces enclos,
Qu’à ses divins accords renonce Démodoque.
À chacun ne plaît pas ce qu’il a célébré.
Depuis que nous soupons, que son luth a vibré,
L’étranger se tourmente et maints pleurs le suffoque.
Sans doute il est en proie à quelque affreux souci.
Donc trêve à ces accents ! que l’hôte et les convives
S’amusent de concert ; c’est préférable ainsi.
Nous avons préparé départ et donatives,
Le tout avec entrain, pour le noble inconnu.
L’hôte, le suppliant devient un frère même
Pour celui qui conserve un esprit ingénu.
Toi, ne cèle donc pas, usant de stratagème,
Ce que je veux savoir : parler franc vaudra mieux.
Apprends-moi de quel nom et ta mère et ton père,
Et tes concitoyens te désignent chez eux.
Nul, parmi les humains, d’infime ou haute sphère,
De nom n’est dépourvu, dès qu’il est enfanté ;
Sa famille en donne un à chaque être viable.
Enfin dis-moi ton sol, ton peuple, ta cité,
Pour que te mène là ma flotte imperturbable.
Les vaisseaux Schériens n’ont pas de timoniers,