Page:Homère - Odyssée, traduction Séguier, Didot, 1896.djvu/175

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Ils viennent dès l’aurore, épais comme au printemps
Les feuilles et les fleurs ; mais Zeus, déjà contraire,
Pour accroître nos maux contre nous se raidit.
Vers nos vaisseaux légers ils portent la bataille ;
Du javelot d’airain des deux parts on s’assaille.
Tant que le matin dure et que le jour grandit,
Nous contenons le choc en dépit de la masse.
Mais lorsque du Soleil décline le flambeau,
Les Cicons triomphants des Grecs domptent l’audace.
Six braves bien guêtrés ont péri par bateau ;
Le reste heureusement échappe aux défilades.

Nous reprenons la mer, charmés de vivre encor,
Mais tristes du trépas de nos bons camarades.
Pourtant aux fins voiliers nous ne rendons l’essor
Qu’après avoir trois fois appelé chaque frère
Dans la plaine tombé sous le fer des Cicons.
Soudain Zeus de Borée excite la colère,
Déchaîne un ouragan, de nuages profonds
Couvre la terre et l’eau ; puis du ciel la nuit tombe.
Nos bâtiments surpris s’égarent, les autans
Déchirent toute voile en lambeaux palpitants ;
Dans la cale on les met, de peur qu’on ne succombe,
Et vers le continent on manœuvre d’entrain.
Là deux jours et deux nuits nous restons sur la plage,
Brisés par la fatigue, accablés de chagrin.
Mais, au troisième éclat de l’Aube au doux visage,
Les mâts étant dressés, nos ailes se rouvrant,
On repart ; le zéphyr, les nochers sont nos guides.
Sauf, je crois pour mon sol quitter ces champs liquides,
Quand, au cap Maléen, la vague, le courant
Et Borée en courroux m’écartent de Cythère.