Page:Homère - Odyssée, traduction Séguier, Didot, 1896.djvu/181

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Pour cuire son repas, une énorme broussaille ;
Il la décharge au seuil, et la grotte en tressaille.
Au fond, épouvantés, nous fuyons à l’instant.
Le pasteur pousse alors ses troupeaux gras dans l’antre,
Les femelles du moins, pour les traire, empêchant
Que nul mâle au bercail, bouc ou bélier, ne rentre.
Puis à l’entrée il roule un bloc effarouchant,
Masse que vingt-deux chars à la quadruple roue
Ne pourraient déplacer en leurs efforts subits :
Tel est le bloc fermant qu’à sa porte il échoue.
Bientôt assis, il trait ses chèvres, ses brebis,
Comme il convient, et rend leurs petits aux nourrices.
Ensuite il fait cailler la moitié du lait blanc,
Le dépose et l’entasse au milieu des éclisses,
Versant l’autre moitié dans maint vase au gros flanc,
Pour le prendre et le boire à son souper tranquille.
Après avoir fini cette œuvre en un moment,
Il allume un grand feu, nous voit, et vivement :
« Étrangers, nommez-vous ! qui vous pousse en mon île ?
Est-ce une affaire ? ou bien errez-vous, comme font
Ces pillards qui, sur mer jouant leur existence,
Écument un pays, le ruinent à fond ? »

Il dit ; et nous sentons une frayeur intense,
À cette voix terrible, à cet air monstrueux.
Cependant je réponds, raffermissant mon âme :
« Nous sommes des Grégeois revenant de Pergame ;
Égarés sur les flots par l’air tempétueux,
Nous cherchions nos rochers et trouvons d’autres croupes ;
Sans doute c’était là de Zeus la volonté.
Nous nous glorifions d’appartenir aux troupes
D’Atride Agamemnon, ce chef partout vanté ;