Page:Homère - Odyssée, traduction Séguier, Didot, 1896.djvu/232

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Toi, Clytemnestre au loin t’ourdit des rets infâmes. »

Je dis ; il me répond ces mots particuliers :
« Ne sois donc jamais tendre envers une femelle,
Et ne lui livre à fond les choses que tu sais ;
Qu’elle en apprenne un brin, du reste ne se mêle.
Ta moitié cependant ne trame ton décès ;
La belle Pénélope, humble enfant d’Icarie,
Est honnête, et son cœur n’a que de purs desseins.
Nous la laissâmes tous jeune épouse fleurie,
En partant pour nous battre ; encore à ses deux seins
Pendait un fils, qui siège en public et prospère
Maintenant ; au retour son père le verra,
Et le fils, comme il sied, baisera ce bon père.
Moi, de l’aspect du mien mon œil ne s’enivra ;
Sa mère, en m’immolant, empêcha nos caresses.
Mais grave ce conseil dans tes esprits sournois :
À ton cher sol natal débarque en tapinois,
Et non apertement ; les femmes sont traîtresses.
À présent, parle vite et du vrai ne t’abstiens :
Savez-vous si mon fils jouit de la lumière
Dans Orchomène, ou bien aux sables Pyliens,
Ou près de Ménélas, dans Sparte la guerrière ?
Car le divin Oreste à coup sûr n’est pas mort. »

Le roi des rois se tait ; je réponds laconique :
« Atride, pourquoi donc m’interroger ? Son sort
M’est inconnu ; parler au hasard est inique. »

Tous deux nous échangions ces discours funébreux,
Debout, et de longs pleurs notre visage humide.