Page:Homère - Odyssée, traduction Séguier, Didot, 1896.djvu/235

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Mais onc je n’aperçus, de mes yeux scrutateurs,
Ni son entrain déchoir ni sa mâle paupière
Se moitir ; il voulait au contraire sauter
À bas ; je le voyais tourmenter sa rapière
Et son lourd javelot, prêt à tout dévaster.
Dés qu’on eut saccagé les remparts Priamides,
Il gagna son navire avec sa riche part,
Sain et sauf, épargné des flèches homicides
El de ces coups d’estoc qui pleuvent au hasard
Dans la mêlée où Mars de tous points nous harcèle. »

Je dis ; l’esprit d’Achille, impétueux coureur,
Disparaît au galop vers le champ d’asphodèle,
Fier de savoir son fils un type de valeur.

D’autres défunts sont là, multitude livide ;
Chacun de ses douleurs me raconte l’excès.
Seul, le fantôme obscur d’Ajax Télamonide
Se maintient à l’écart, irrité du succès
Que j’obtins près des nefs, en lui soufflant de verve
Les armures d’Achille, au concours de Thétis.
Pour juges nous avions les Troyens et Minerve.
Que n’ai-je été battu dans un tel cliquetis !
Car ces armes d’honneur causèrent le suicide
D’Ajax, le mieux formé, le plus audacieux
Des Achéens, après le parfait Éacide.
Je cherche à l’apaiser par ces mots gracieux :
« Fils du grand Télamon, Ajax, dans la mort même
Tu vas donc m’abhorrant pour ce bronze fatal ?
Il fut parmi les Grecs comme un fléau suprême ;
Pour lui tu succombas, toi leur mur capital.
La Grèce au désespoir te pleure autant qu’Achille,