Page:Homère - Odyssée, traduction Séguier, Didot, 1896.djvu/242

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Survient rapidement ; ses nymphes, doux régal,
Portent du pain, des mets, un vin noir magnifique.
Aussitôt la Déesse au pouvoir sans égal :
« Malheureux, qui vivants courûtes au Cocyte,
Vous, doublement mortels, puisqu’on n’a qu’une mort,
Allons, goûtez ces plats, buvez dans ce doux site
Jusqu’au soir, et demain vous virerez de bord,
Au reluire auroral. Je vous dirai la route,
Vous instruirai de tout, pour qu’un funeste avis
Sur terre ou bien sur mer ne vous tienne asservis. »

Notre cœur généreux ne conçoit plus de doute ;
Nous employons le jour, jusqu’au soleil éteint,
À savourer la viande et le vin délectable.
Quand l’astre a disparu, que l’ombre nous atteint,
Mes amis de s’étendre alentour du gros câble.
Circé alors, par la main me tirant à l’écart,
Se couche à mes côtés, en plein me questionne ;
Moi, de chaque détail dûment je lui fais part,
Et la dive en échange ainsi me passionne :
« Cette œuvre est accomplie. Écoute maintenant
D’autres instructions ; qu’elles soient souveraines !
Tu parviendras d’abord au séjour des Sirènes,
Qui séduisent tout homme en leurs eaux cheminant.
L’imprudent qui s’avance, ému de leur voix tendre,
Jamais ne reverra, dans un retour joyeux,
Sa femme et ses bambins à son cou se suspendre.
Assises dans un pré, par leurs chants captieux,
Sirènes le perdront ; autour d’elles se dresse
Un amas d’os humains, de pourrissantes chairs.
Vogue sans t’arrêter ; clos d’une cire expresse
L’oreille de tes gens, pour dérober ces airs