Page:Homère - Odyssée, traduction Séguier, Didot, 1896.djvu/265

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Mais les Phéaciens, ces princes de la rame,
Entre eux vont échangeant de rapides propos ;
Regardant son voisin, chaque témoin s’exclame :
« Las ! qui donc a figé sur la vague en repos
Cette carène entrante ? elle émergeait entière. »

On jase, et d’ignorer comment s’est fait le tour.
Alcinoüs, prenant la parole à son tour :
« Dieux ! je vois s’accomplir les vieux dits de mon père.
Il contait que Neptune un jour nous punirait
De reconduire saufs tous les gens de passage ;
Il contait que ce dieu dans l’abîme noierait
Un de nos forts bateaux revenant d’un voyage,
Et sous un vaste mont cacherait nos remparts.
Ainsi parlait l’ancien ; ses dires s’accomplissent.
Or bien, suivez mon ordre, imberbes et vieillards.
Cessons de ramener les forains qui surgissent
Parmi nous. Immolons douze taureaux de choix
Au grand Poséidon : peut-être, à nos requêtes,
Voudra-t-il du mont vaste exonérer nos toits. »

Il dit ; tous, effrayés, réunissent les bêtes.
Et, suppliant le roi du terrible trident,
Les chefs, les conducteurs de la gent Schérienne
Entourent son autel. Ulysse cependant
S’éveille, et déconnaît sa terre patrienne,
Si long fut son exil. C’est que Minerve aussi,
Fille de Jupiter, l’a ceinte d’un nuage,
Pour qu’inconnu lui-même il reste à sa merci,
Et ne se montre aux siens, femme, amis, voisinage,
Avant d’avoir dompté l’orgueil des Poursuivants.
Tout se présente au roi sous des faces nouvelles,