Page:Homère - Odyssée, traduction Séguier, Didot, 1896.djvu/278

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Pourtant on en comptait encor trois cent soixante.
Autour des animaux veillaient, fauves ardents,
Quatre mâtins dressés par le chef des étables.
Celui-ci s’ajustait en souliers confortables
La peau rousse d’un bœuf ; trois de ses adjudants
Promenaient les troupeaux dans l’herbeux périmètre ;
Le quatrième en ville aux Prétendants hautains
Conduisait le verrat qu’il fallait leur remettre
Pour l’offrande sacrée et leurs pompeux festins.

Soudain les aboyeurs, apercevant Ulysse,
Sur lui fondent hurlant ; mais le héros s’assoit,
Et lâche son bâton, salutaire artifice,
Périlleux cependant pouvait être l’endroit,
Quand le pasteur, courant vers la meute champêtre,
Apparaît hors du seuil et laisse choir son cuir.
Il gourmande ses chiens, les oblige à s’enfuir,
Sous un vol de cailloux, puis il dit à son maître :
« Vieillard, subitement mes dogues ont failli
T’étrangler, et ma honte eût été grandissime.
Hélas ! d’assez de maux les dieux m’ont assailli.
Je me tue à pleurer un patron magnanime,
Et je nourris ses porcs que d’autres vont manger,
Durant que lui, peut-être, en proie à la famine,
Erre aux champs, dans les murs de tel peuple étranger,
Si, toutefois vivant, le Soleil l’illumine.
Mais approche, vieillard, suis-moi dans mon réduit.
Une fois saturé de vin, de nourriture,
Tu diras d’où tu viens, quel malheur te poursuit. »

À ces mots, le porcher le guide à sa masure,
Le fait entrer, s’asseoir, répand des rameaux frais