Page:Homère - Odyssée, traduction Séguier, Didot, 1896.djvu/284

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Esclave ; toutefois chez Castor, né d’Hylace,
Mon parfait engendreur, j’obtins leur même rang.
Les Crétois comme un dieu révéraient Hylacide
Pour son bonheur, son or, ses enfants valeureux.
Mais au manoir d’Hadès le Destin homicide
Bientôt le dépêcha ; sa race en lots nombreux,
D’après les lois du sort, divisa l’héritage.
Moi, je fus mal loti, je n’eus qu’un sol étroit.
Cependant j’épousai, grâce à mon courage,
Fille de qualité, n’étant ni maladroit
Ni couard. Aujourd’hui le dénuement me glace ;
Mais au chaume tu peux juger de la moisson,
Et certes j’ai souffert de plus d’une façon.
De Minerve et de Mars je tenais donc l’audace
Et l’intrépidité : pour perdre un ennemi,
Lorsque j’allais placer mes preux en embuscade,
Nulle mort n’effrayait mon thorax affermi ;
Mais, toujours en avant, d’une bonne estocade
Je frappais le guerrier moins agile que moi.
Tel j’étais en campagne, hostile à la culture,
Aux ménages comblés d’enfants autour de soi.
J’adorais les vaisseaux d’imposantes structures,
Les guerres, les carquois, les javelots brillants,
Et tous les trépignis, effroi des autres hommes.
Un dieu m’avait tourné vers ces plaisirs vaillants,
Car nos goûts sont divers, à nous tant que nous sommes.
Bien avant que la Grèce assiégeât Ilion,
Par neuf fois je lançai des troupes, des galères
Sur maints bords étrangers ; j’avais part de lion.
Je choisissais d’abord, puis de nouveaux salaires
Le sort m’enrichissait. Ma maison s’agrandit,
Et, puissant, je fus cher à la foule crétoise.