Page:Homère - Odyssée, traduction Séguier, Didot, 1896.djvu/287

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Malgré mes forts soupçons, je le suivis en mer.
Notre vaisseau, régi par un nord favorable,
Longeait la Crète : or Jove allait nous être amer.

« La Crète dépassée, alors qu’aucune côte
N’apparut, qu’on ne vit que l’abîme et les cieux,
Kronide enveloppa le navire anxieux
D’une lourde nuée, et le jour nous fit faute.
Mais Zeus tonne et sur nous lance un brûlant carreau…
La nef tournoie, au choc de sa foudre fumante,
Et de soufre s’empreint ; nos gens roulent dans l’eau.
Ainsi que des pétrels, leur essaim se lamente
Autour du bateau noir ; l’onde les engloutit.
Le même Zeus, plaignant mon âme torturée,
Colloque de la barque à la proue azurée
Le long mât dans mes mains, en guise de répit.
Je m’y tiens cramponné, jouet des vents despotes.
Neuf jours ainsi je vogue, et, le dixième soir,
Une vague me porte au pays des Thesprotes.
L’alme Phidon, leur roi, daigna me recevoir
Noblement ; car d’abord son héritier splendide,
Me rencontrant perclus de fatigue et de froid,
Par le bras m’avait pris et guidé sous son toit,
Où j’eus, pour me vêtir, et chiton et chlamyde.
Là j’entendis parler de ton maître, et Phidon
Me dit qu’il l’hébergeait pour sa rentrée en Grèce.
Il me montra d’un bloc l’étonnante richesse
Qu’Ulysse accumulait, en or, bronze et fanton.
Dix générations feraient leur maison bonne
Avec ce fier dépôt à ton roi dévolu.
Il ajouta qu’Ulysse espérait dans Dodone
L’oracle jovien du Rouvre chevelu,