Page:Homère - Odyssée, traduction Séguier, Didot, 1896.djvu/332

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Eh bien, n’attendons point qu’il cite les Grégeois
À l’agore ; en effet il ne voudra se taire,
Mais, ferme en son courroux, dira, s’étant levé,
Que nous voulions l’abattre et n’avons pu le faire.
Ce complot ne sera de la foule approuvé.
Peut-être, conspués et bannis de chaque île,
Il nous faudra soudain voguer vers d’autres bords.
Tuons-le donc d’emblée aux champs, loin de la ville,
Ou sur la route ; ayons son bien, ses coffres-forts,
Et partageons le tout en règle ; mais qu’on laisse
Le palais à sa mère, à son élu joyeux.
Si mon discours vous choque et si vous aimez mieux
Qu’il vive, en retenant sa paterne richesse,
Cessons de nous unir pour achever d’accord
Cet héritage exquis ; que chacun, de sa terre,
S’évertue en cadeaux : la veuve solitaire
Prendra le plus offrant, le favori du Sort. »

L’orateur a conclu, l’assemblée est muette.
Amphinome, lui seul, répond sans embarras.
Fils brillant du roi Nise et petit-fils d’Arète,
Venu de Dulichie au terroir vert et gras,
Puis chef des Prétendants, plus qu’aucun pour sa langue
À Pénélope il plaît, car noble est son esprit.
Il fait, conciliant, cette brève harangue :
« Frères, je ne voudrais, quant à moi, que pérît
Télémaque ; il est dur de faucher une tête
Royale. Interrogeons d’abord le veuil des Dieux.
Si de par Jupiter son trépas se décrète,
Je le frappe moi-même, exemple impérieux.
Mais si le ciel dit non, que rien ne s’accomplisse ! »