Page:Homère - Odyssée, traduction Séguier, Didot, 1896.djvu/369

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Tout miel en apparence, au dedans tout poison. »

Immédiatement l’intendante Eurynome :
« Ma fille, tu tiens là les propos les plus vrais.
Va prêcher Télémaque, et dis-lui tout, en somme ;
Mais d’abord entre au bain, parfume-toi les traits.
Ne te présente pas les yeux rougis de larmes,
Car on ne gagne rien à pleurer constamment.
Voilà ton fils pubère, orné de tous les charmes
Que des dieux pour sa fleur requit ton dévoûment. »

Pénélope reprit dans sa haute prudence :
« Nourrice, en ton ardeur ne me conseille pas
De me laver le corps et de m’oindre d’essence.
Les dieux olympiens ont flétri mes appas,
Depuis qu’un vaisseau creux emporta mon Ulysse.
Appelle Hippodamie, appelle Autonoé,
Pour me servir d’escorte au sein de l’édifice ;
Seule, j’aurais trop peur de ce monde roué. »

S’élançant aux couloirs, à l’une et l’autre serve
L’intendante ordonna d’accourir aussitôt.
Cependant un doux somme, à l’appel de Minerve,
Sur la fille d’Icare agita son pavot.
Elle de s’assoupir, pressant avec mollesse
Sa chaise longue ; alors l’insigne déité
Lui fit de saints présents, comme une amorce expresse.
Vite elle oignit sa peau de ce fard enchanté
Dont se sert Cythérée à la belle guirlande,
Quand des Grâces l’attend le cortège accompli ;
Puis elle la rendit et plus forte et plus grande,
Plus blanche en même temps que l’ivoire poli.
Après quoi disparut la déité sereine.