Page:Homère - Odyssée, traduction Séguier, Didot, 1896.djvu/390

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Ulysse fut poussé par un mauvais destin
Vers ces murs de malheur, cette exécrable Troie ! »

À son tour le héros, subtil au dernier point :
« Ô parfaite moitié d’Ulysse Laërtide,
N’use plus ton beau corps ni ton âme candide
À pleurer ton mari. Je ne t’en blâme point.
Toute veuve en effet regrette l’époux tendre
Dont elle eut des enfants, dans ses jours radieux,
Fût-il inférieur à ce rival des Dieux.
Mais calme ton chagrin, à fond daigne m’entendre.
Je te raconterai sans nul déguisement
Ce que je sais déjà sur le retour d’Ulysse.
Chez l’opulent Thesprote il vit présentement,
Et, du peuple choyé, rapporte en bénéfice
Mille objets précieux. Mais dans les sombres flots,
Hors l’île de Thrinacre, il perdit sa galère
Et ses gens. Le coup vint de Zeus et d’Hélios :
Sa troupe avait tué les bœufs du parc solaire.
Tous furent engloutis aux gouffres dévorants.
La vague, quant à lui, le jeta d’une épave
Au sol des Schériens, de Neptune parents.
Ceux-ci, comme un Céleste, honorèrent ce brave,
Le comblèrent de dons, et sur ses propres bords
Voulurent le porter. Piéça l’illustre prince
Y serait ; mais son flair, de province en province,
Le pousse à rechercher un surcroit de trésors.
C’est le plus fin matois que l’univers recèle ;
En fait de stratagème il prime tout humain.
Au roi de Thesprolie, à Phidon j’en appelle.
Il jura devant moi, la sainte coupe en main,
Qu’il tenait préparés bâtiment et pilote