Page:Homère - Odyssée, traduction Séguier, Didot, 1896.djvu/400

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Ceux que l’ivoire opaque envoie en messagers
Sont trompeurs, et jamais ils ne se réalisent.
Mais ceux qu’a dépêchés le portail transparent,
Au mortel qui les voit la vérité prédisent.
De ce côté ne sort mon rêve incohérent ;
Pour mon fils et pour moi, sinon, quel vif délice !
Mais écoute et retiens ce projet délicat.
Il vient, le jour fatal qui doit du seuil d’Ulysse
M’éloigner, car j’entends proposer un combat.
Jadis mon beau seigneur alignait sous ces voûtes
Douze haches d’aplomb, comme étais de vaisseaux.
De très loin il dardait sa flèche à travers toutes.
J’imposerai même œuvre aux Prétendants rivaux.
Celui qui tendra l’arc du poing le plus habile
Et raide enfilera les douze creux d’acier,
Je le suis, délaissant pour lui ce cher asile
De mon printemps, ce toit confortable et princier,
Dont je me souviendrai, même en rêvant, oui certe. »

Le monarque subtil de répondre à l’instant :
« Ô prudente moitié du roi, fils de Laërte,
Ne le retarde pas, ce combat palpitant,
Car tu verras surgir l’ingénieux Ulysse
Avant qu’aucun des chefs ait bandé l’arc fameux
Et sillonné le but de sa flèche novice. »

Pénélope réplique au vieillard chaleureux :
« Forain, si tu voulais prolonger l’harmonie
De tes discours, mes yeux ne se fermeraient pas.
Mais le corps n’admet point d’éternelle insomnie.
Aux forces des mortels qui peinent ici-bas
Les dieux ont assigné leur mesure propice.